Publié le :
14/04/2023 19:05:48
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General
Je m’attaque aujourd’hui à un cliché encore bien ancré dans notre imaginaire collectif : « Plus un vin vieillit, meilleur il devient ». Et comme les fake news, les croyances l’emportent parfois sur la réalité, bien aidées il faut le dire par les équipes marketing des grands domaines et des appellations des vins. C’est parti pour démystifier quelques idées reçues sur la conservation des vins avant dégustation.
Il y a pas mal de clichés autour de la conservation du vin. Il faut reconnaître que les affirmations générales suivantes sont assez simples à retenir :
« Les vieux vins sont meilleurs que les vins jeunes »
« Le vin se bonifie grâce au vieillissement »
« Le vin vieilli en fût de chêne est meilleur »
« Les vins issus de vieilles vignes sont faits pour être conservés »
« Les vins rouges se conservent plus longtemps que les blancs »
Des petites phrases qui paraissent logiques et anodines comme ça, à première vue.
Et c’est normal. Dans notre société occidentale, nous avons tendance à accorder du prestige à ce qui est ancien. Un vieux vin est presque instinctivement considéré comme plus qualitatif ou plus raffiné qu’un millésime récent. La couleur rouge sang l’emporterait sur la pureté du blanc « plus fragile »… Cette idée est principalement due à la tradition, au marketing, aux procédés vinicoles et à l'influence des grands crus, Bordeaux, Bourgogne et Champagne en tête.
Alors oui, certains vins peuvent gagner en complexité et en finesse avec le temps. Mais pas tous, loin de là. Et si auparavant, on disait que les grands vins ne pouvaient être bu qu’après 20 ans de garde, c’est surtout parce que l’ajout de sulfites était tel qu’ils étaient imbuvables avant cela…
Et non, les sulfites ne sont pas responsables de vos maux de tête.
Sachez que la grande majorité des vins, toutes couleurs confondues, ne sont pas construits pour la conservation (soit plus de 5 ans). Revenons un instant sur les affirmations précédemment citées.
Les vins rouges, blancs et rosés, fruités et primeurs, sont élaborés par les vigneron·nes pour être bus et appréciés dans les 2 ans. Les vins un peu plus complexes demandent souvent un peu de temps pour s’ouvrir. En sortie de fermentation, le vin a besoin de se reposer, car il a été grandement manipulé. Nombreux sont les domaines viticoles à commercialiser des vins entre 2 et 5 ans après leur mise en bouteille. Ainsi, les cuvées sont directement prêtes à être dégustées.
Mais rappelez-vous d’une chose : vous avez le droit d’aimer les vins jeunes pour leur côté fruité, frais et agréable à boire. C’est tout à fait ok ! Tous les goûts sont permis.
Ou sa variante : « Le vin se bonifie avec le temps ».
Ces assertions sont fausses. Vous pouvez tenter de faire vieillir une piquette aussi longtemps que vous voudrez, cela restera toujours une piquette. Idem avec les vins chers : aucune garantie qu’ils soient bons pour être conservés.
Si vous envisagez la conservation d’un vin pour des occasions futures (événements, cadeaux, anniversaires…), informez-vous d’abord sur les millésimes auprès d’un caviste. Car le gage de qualité d’un vin est davantage lié au cépage, au terroir, au millésime, aux méthodes de vinification et aux conditions de stockage qu’à la durée de viellissement ou à son prix. Il faut aussi prendre en compte le taux d’acidité, les tanins pour les rouges, la sucrosité résiduelle ou encore la teneur en gaz…
Le fût de chêne a seulement pour mission de modifier la structure et les caractéristiques organoleptiques des vins. Il affine les tanins, développe d’autres arômes et oxygène le jus pour le complexifier et lui apporter du gras. Le choix d’utiliser les fûts est surtout la volonté de créer des vins originaux, à condition d’avoir à la base un jus de très bonne qualité, issu de raisins bien mûrs et sains. Encore une fois, une piquette passée en barrique ne donnera jamais un grand cru.
Et « meilleur », c’est très subjectif. Si vous n’aimez pas le goût du bois, aucun souci. Certains aiment les voitures rouges, d’autres non. Et ça ne pose pas de problème.
Le terme « vieilles Vignes » n’est pas réglementé. En France, on peut par exemple apposer la mention « vieilles vignes » sur des bouteilles de vins issus de vignes d’au moins 3 ans. Soit la 1e année où normalement, la vigne peut donner du raisin. C’est uniquement un argument marketing.
En général, il est plutôt vrai qu’il s’agit de sélections de parcelles plus qualitatives et plus anciennes que d’autres. Et donc que les vins qui en sont issus sont souvent plus aptes à être conservés. Mais il n’y a aucune garantie là-dessus : c’est au bon vouloir des viticulteurs.
Je lis souvent sur le web qu’il y a peu d’intérêt à conserver les vins blancs et rosés ou que seuls les vins rouges méritent le vieillissement.
En réalité, de nombreux vins blancs secs ou liquoreux sont tout à fait adaptés à la conservation. Pas tous évidemment : seulement ceux qui possèdent un taux d’acidité suffisant et dont le potentiel organoleptique mérite un peu d’attente avant la dégustation. Du côté des rosés, comme il s’agit de vins généralement fragiles du fait des procédés de vinification, ils ne gagnent pas à vieillir. Mais les exceptions existent. Idem pour le rouges conçus pour être bus rapidement : il n’y a aucun intérêt à les garder en cave.
Je l’ai déjà évoqué, il n’y a aucun intérêt à conserver plus de 2 ans les vins faits pour être bus jeunes et fruités. Ils perdront ce qui les rend intéressant : leurs arômes, leur fruité et leur mordant. Les vins un peu plus complexes peuvent tenir jusqu’à 5 ans en moyenne. Ils gagnent en souplesse et en rondeur, mais perdent en fraîcheur. Au-delà de 5 ans, seuls les vins taillés pour la conservation évolueront favorablement, avec un passage vers des arômes tertiaires.
Il faut imaginer la courbe de vieillissement des vins comme une cloche, avec une période de croissance, un apogée et une période de déclin. Dépassez l’apogée et le vin entre dans sa phase de déclin. La couleur de la robe commence à partir vers le cuivré. Il est grand temps de le boire avant la catastrophe liée à l’oxydation ! Il vaut toujours mieux ouvrir une bouteille un peu trop tôt qu’un peu trop tard.
Le problème est de savoir où se situe l’apogée. Pour certains vins, c’est 2 ans, pour d’autres, c’est 15 ans. Votre caviste est votre meilleur allié pour vous conseiller.
On en revient aux idées reçues sur le vin inculquées génération après génération, au moment de notre 1e dégustation de vin. Comme nos aîné·es nous répètent que les vieux vins sont meilleurs, alors on intègre cette affirmation assez mécaniquement (eux aussi l’ont appris de leurs aîné·es).
Je vous encourage vivement à élargir votre horizon et à déguster autant les vins jeunes que les vieux vins. Un même cépage peut donner des choses fort intéressantes vinifié pour une consommation rapide ou pour la garde. Je propose d’ailleurs beaucoup de vins prêts à être bus dès maintenant dans ma cave en ligne.
Ce qu’il faut retenir, c’est que chaque vin est unique. Seules certaines bouteilles sont taillées pour le vieillissement, en fonction de leur cépage, de leur terroir, du millésime et de bien d’autres critères. Et vous avez tout à fait le droit de trouver les vins jeunes meilleurs, car vos goûts sont tout ce qu’il y a de plus personnel.
Vous gagnerez donc à demander conseil aux vigneron·nes ou à votre caviste avant d’acheter votre bouteille ! Chez Wines of Earth, il vous suffit de me poser la question via l’onglet Messenger en bas à droite de l’écran ou de consulter les fiches techniques des vins.
Voici aussi quelques conseils judicieux sur les conditions de garde qui jouent aussi un rôle essentiel dans le vieillissement du vin.
Et vous, quels sont les clichés que vous entendez souvent sur les vins ? Dites-moi tout en commentaire !