Publié le :
10/09/2024 12:19:48
Catégories :
General
Le fût, qu’il soit en chêne ou fait d’une autre essence, est intimement lié au vin. Que l’on aime ou pas son apport, il donne souvent son caractère au jus qui donnera la cuvée. Chêne, acacia, châtaignier, sapin, frêne… découvrez quels sont les bois utilisés et ce qu’ils apportent aux vins (tanins, couleur, arômes…). Notez que dans cet article, nous allons uniquement nous intéresser aux essences de bois utilisées pour les fûts destinés à la vinification.
Utilisé comme contenant depuis des siècles, le fût en est intimement lié à l’élevage du vin (et d’autres boissons d’ailleurs !). Les premières remonteraient déjà au-delà du 4e siècle av. JC, avec la mention par l’historien grec Hérodote (482-425 av. JC) de l’existence de fûts en bois de palmier. D’autres sources mentionnent des tonneaux créés par des tribus celtes en Rhétie (sud de l’Allemagne) dès le 6e siècle av. JC.
Rien d’étonnant à ce que l’origine des fûts soit si ancienne. Sa fabrication requiert la méthode du cintrage du bois, une technique alors déjà connue des Égyptiens pour la fabrication de bateaux. Plusieurs sources romaines évoquent ensuite l’amélioration progressive du fût par les peuples gaulois puis gallo-romains sous l’Empire.
À partir du 2e siècle après J.-C., il supplante petit à petit l’amphore grecque, peu pratique à transporter, assez lourde et surtout, très fragile. Il remplace aussi les outres en cuir (peaux d’ovins ou de bovins) qui ont tendance à donner un goût. L’exemple d’un tonneau de 1100 litres et de 2 mètres de haut retrouvé dans le port antique de Reims en France, situésur la rivière de la Vesle, montre l’importance de son développement. Celui-ci était composé de douelles de sapin et d’un cerclage en noisetier.
L’usage du fût de bois demeure longtemps à des fins uniques de conservation, que ce soit pour du vin ou autre chose. Ainsi, jusqu’à l’époque des grandes expéditions des 15 et 16e siècles, il accompagne les marins et son utilisation se diffuse logiquement dans le monde entier.
Il faut attendre le 15e siècle pour voir apparaître une autre innovation qui va tout changer : le sulfitage. Si son origine n’est pas claire, un décret allemand de 1487 en fait explicitement mention pour la conservation du vin. Les viticulteurs y sont dorénavant autorisés à brûler des copeaux (morceaux) de bois sulfurés dans les tonneaux pour les désinfecter et prolonger la conservation.
Faisons un bon dans le temps, jusqu’aux années 1980. C’est à partir de là que le business de la barrique commence à naître, notamment à Bordeaux et en Californie. Jusque-là utilisé comme contenant, le tonneau de bois devient l’objet de toutes les attentions. La qualité de la vinification devient un argument pour se démarquer, et le choix de la barrique joue un grand rôle. L’art de la tonnellerie revient sur le devant de la scène, et les amateurs de vin commencent à s’intéresser à l’impact du tonneau sur le développement du vin lors de la dégustation.
Note : Ce choix du bois est aussi d’une importance immense dans le domaine des spiritueux.
Quelle que soit l’espèce utilisée pour fabriquer la barrique, chaque bois possède des caractéristiques qui lui sont propres, et qui vont avoir un impact lors de la vinification. Notez que l’âge du bois au moment de sa coupe a déjà une incidence. Par exemple, le chêne américain est souvent coupé après 80 à 90 ans, alors que c’est plutôt 150 à 200 ans en Europe.
Ensuite, le vigneron·ne va s’intéresser au grain du bois, c’est-à-dire à sa porosité qui va influencer l’échange air / bois / vin. Ce grain peut être fin (oxygénation réduite, concentration des arômes), mi-fin ou grossier (oxygénation maximale, recherche des tanins).
Puis va réfléchir à la chauffe du bois. Celle-ci est effectuée en 2 étapes après le séchage du bois. La première chauffe est nécessaire pour le cintrage des douelles. La deuxième est destinée au toastage / grillage / torréfaction, qui a pour objectif de libérer certains composés chimiques contenus dans le bois, et notamment dans les parties appelées hémicellulose et lignine. Plus cette chauffe est forte, plus elle marquera le profils aromatique des vins.
Parmi les arômes issus du grillage du bois les plus connus, on trouve :
Et ce choix va se faire en fonction du cépage. Nous allons le voir plus bas, certains bois apportent un vrai plus en fonction du raisin utilisé. Le meilleur exemple est l’acacia avec le Sauvignon Blanc.
Assurément la plus célèbre des essences pour fabriquer les barriques, les fûts, les barils, les tonnelets et autres foudres, le chêne est l’arbre roi pour la fabrication des douelles. Je lui consacre donc une partie plus développée. Il est apprécié pour sa nature poreuse qui permet l’oxygénation lente du vin.
On compte plus de 600 espèces de chênes dans le monde. Toutefois, seule une quinzaine de variétés est propice à la fabrication des contenants pour le vieillissement. Si vous avez l’œil, vous avez déjà pu remarquer que les fiches techniques des vins contiennent parfois la mention géographique du bois :
Dans le monde des spiritueux, en particulier du whisky, on fait aussi appel au chêne mongol et au chêne japonais.
Les 3 essences de chêne les plus utilisées pour fabriquer des tonneaux sont :
Toutefois, la forte pression exercée sur la ressource pousse les chercheurs à s’intéresser à d’autres variétés comme :
Ces variétés sont par exemple utilisées pour fabriquer des douelles et des copeaux que sont employés pour la vinification en cuve.
Exactement comme ce fut le cas pour le chêne, de nombreux acteurs (tonnellerie, viticulteur, consommateur…) souhaitent aller toujours plus loin. On assiste ainsi à la (re)découverte d’autres essences de bois pour la vinification du vin. Et ce, pour diverses raisons :
Le châtaignier (Castanea sativa) a longtemps servi pour fabriquer des tonneaux et des foudres, ainsi que pour transporter le vin, surtout là où le chêne n’était pas aisément disponible. Seul problème : il apporte au vin beaucoup d’âpreté (beaucoup d’ellagitanins) tout en renforçant les tanins. Le châtaignier a tendance à donner des notes de type vanille, épices et noix de coco.
Son grain est aussi plus compact, ce qui pose des problèmes lors du grillage du bois. Il a donc été largement remplacé par la cuve inox pour les gros volumes. Le tonneau en châtaignier de grande taille est encore utilisé en Italie et en Espagne notamment, car son prix reste intéressant.
Le bois de faux acacia ou robinier (Robinia pseudoacacia) est originaire de l’est de États-Unis. Il est de plus en plus utilisé pour fabriquer des fûts dédiés à l’élevage du vinaigre, ainsi que du vin blanc, notamment du Sauvignon Blanc. Ce bois présente quelques avantages non négligeables : il est quasi imputrescibilité, très durable et il confère desparfums de citron, de fleur et de miel aux vins.
Le choix du bois d’acacia peut être pertinent si l’on cherche la concentration des arômes. Du fait de son grain plus serré que celui du chêne, le transfert d’oxygène est réduit pendant le vieillissement. Il est aussi plus pauvre en tanins et marque donc moins les vins.
Certains vignerons le testent aussi pour des vins rouges : l’acacia donne alors des notes fumées, épicées et fruitées.
Les anglophones parlent de Cherry Tree. En français, nous faisons une distinction : le merisier est le terme utilisé pour parler du bois de cerisier qui sert à la construction, et accessoirement le nom du cerisier sauvage Prunus avinum. Le cerisier commun est Prunus cerasus.
Ce type de bois s’avère assez délicat à employer pour la conception de tonneaux de vin. Son grain plus grossier que celui du chêne occasionne également une plus forte oxygénation, et renforce les tanins. Il est intéressant pour des élevages courts. Les vignerons qui savent le maîtriser peuvent en tirer des vins aux arômes très agréables.
Le mûrier, qu'il soit blanc (Morus alba) ou noir (Morus nigra), est une essence de bois rarement utilisée en tonnellerie traditionnelle, mais qui commence à intéresser certains vignerons cherchant des alternatives au chêne. Originaire d'Asie, le mûrier a été cultivé principalement pour ses feuilles, nourriture des vers à soie, et pour ses fruits comestibles. Cependant, son bois présente des caractéristiques intéressantes pour le vieillissement des vins et des spiritueux.
Il apporte notamment des arômes subtils et délicats de fruits rouges et de vanille. Il n'a pas l'intensité aromatique du chêne, mais il ajoute une complexité discrète. Sa porosité moyenne permet une oxygénation contrôlée. Enfin, le mûrier est pauvre en tanins, ce qui en fait un bois intéressant pour les vins rouges légers ou des vins blancs aromatiques.
Le bois de Sugi (Cryptomeria japonica) ou cèdre est utilisé depuis la période Edo (1603 – 1867) pour la fermentation du saké et son transport. Il sert aussi à fabriquer de grandes cuves de stockage. Ce bois apporte des notes assez rustiques, ainsi que des parfums de caramel et d’épices, surtout pour le whisky.
Cet article se limitant à l’usage du bois pour le vin, je vais simplement évoquer les autres essences employées pour fabriquer des tonneaux, qui ont davantage une fonction de conservation de marchandise. En général, ils ne sont pas utilisés pour la vinification, car ils n’apportent pas de grandes qualités. Il s’agit :
Nous en arrivons à la fin de cet article. J’espère vous avoir appris des choses utiles ! N’hésitez pas à me le faire savoir en commentaire. Je me suis largement appuyé sur l’article scientifique suivant : Different Woods in Cooperage for Oenology: A Review (2018, Martínez-Gil et Al.).
Cet article fait partie d’une série consacrée à l’usage du bois dans la vinification. J’ajouterai les autres liens au fur et à mesure en bas de page pour vous aider dans la navigation.