Publié le :
01/11/2023 12:49:30
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Quels sont les principes et la définition d’un vin biodynamique ? Comment est-il produit et qu’est-ce qui fait sa différence avec les autres types de vin ? Je vous propose ce petit guide complet afin de mieux comprendre ce qui fait la spécificité (et l’intérêt) du vin produit en biodynamie, élaboré avec passion par des vigneron·nes engagé·es. Vous avez des exemples de vins mémorables ? Faites-m’en part en commentaire !
Pour faire simple, la viticulture biodynamique va encore plus loin que le bio.
Il s’agit d’une vision holistique de l’agriculture, à savoir la recherche d’un équilibre harmonieux entre la vigne et son environnement, immédiat et plus lointain. S’il fallait résumer cette philosophie, je reprendrais les mots de Pierre Dagallier, personnalité du monde biodynamique, interviewé par Valérie Closset :
« Tout agit sur tout, et le bio-dynamiste doit créer les synergies qui amènent une fertilité croissante au fil du temps. Le ou la vigneron·ne en bio-dynamie réfléchit à sa place particulière dans l’agriculture et prend sa part de responsabilité dans l’avenir de la terre. »
Plus qu’un simple protocole à suivre, la biodynamie est un ensemble de principes directeurs, le domaine agricole étant compris comme un organisme vivant. Dans la pratique, cela se traduit ainsi :
Encore perplexe sur la rationnalité de la méthode ? Allons donc plus loin !
L’aspect ésotérique de la biodynamie est souvent à l’origine de son discrédit. Les notions d’interactions entre la biodiversité et les forces cosmiques ou telluriques donnent un aspect spirituel qui crée le doute chez ceux qui se revendiquent rationnels.
Par principe, ce qui nous est inconnu nous fait également peur. La biodynamie reste donc mystérieuse pour qui n’ose pas chercher plus loin. Nos propres croyances nous empêchent souvent d’en découvrir davantage :
Cette première couche est renforcée par une seconde qui vient confirmer ces croyances :
Pourtant, même si cela ne prouve rien, de nombreux vignobles prestigieux y adhèrent. Voici quelques exemples :
L’image du vin en biodynamie est souvent écornée par les professionnel·les du vin (journalistes, critiques,influenceurs…) qui maintiennent, intentionnellement ou non, un certain « flou ».
Le tort revient également aux biodynamistes eux-mêmes qui utilisent des explications très raccourcies pour justifier leur approche ou expliquer leurs résultats. Dans mes recherches, j’ai trouvé des termes très obscurs (écologie cosmique, matrices énergétiques du monde physique…) et des comparaisons très anthropomorphiques du comportement des végétaux.
Alors repartons de zéro.
Dans un monde gouverné par la preuve scientifique, qui se veut un rempart contre l’ignorance et les croyances, il est normal d’émettre des doutes quant aux pratiques holistiques des biodynamistes. Car il n’existe pas de consensus scientifique sur une efficacité réelle, même si des réussites sont effectivement observées de manière régulière.
Sachez que Rudolf Steiner, le théoricien de la biodynamie, est plutôt controversé. Il a eu l’art de sélectionner ce qui lui convenait pour confirmer ses propres croyances, tout en y mêlant la philosophie, la religion et l’art. Lui-même disait voir ou sentir des choses que les autres ne ressentaient pas, ou que la science ne parvenait pas à prouver. Une technique bien pratique utilisée par les complotistes…
Mais cela ne veut pas dire qu’il avait tort pour autant ! Les croyances étaient également nombreuses avant de comprendre l’univers de l’invisible ainsi que l’activité microbienne ou moléculaire. Et beaucoup reste à découvrir !
Aujourd’hui encore, nombreux sont les biodynamistes et leurs supporters à douter de l’impartialité scientifique, qui serait trop au service des intérêts économiques. Dommage, car en s’appuyant sur davantage de preuves scientifiques étayant l’efficacité réelle des pratiques biodynamiques, c’est toute l’humanité qui pourrait profiter des bienfaits de la philosophie biodynamiste.
Car ne perdons pas de vue que toute méthode œuvrant pour une agriculture durable, visant à sauver notre environnement et notre futur, est bienvenue.
Pour en finir avec les aprioris sur ce type de viticulture, intéressons-nous donc d’abord à son histoire et à son développement dans le monde.
Les fondements de la biodynamie reposent sur les travaux de l’autrichien Rudolf Steiner (1861-1925), fondateur de l’anthroposophie, courant pseudoscientifique, ésotérique et philosophique. Steiner s’est beaucoup inspiré de théoriciens comme Goethe pour développer ses idées mêlant théories scientifiques et perceptions personnelles.
L’année 1924 est souvent retenue comme « date de la création de la biodynamie ». En réalité, Steiner anime cette année-là 8 conférences auprès d’agriculteurs allemands, inquiets du développement de l’agro-industrie. Ces « cours aux agriculteurs », donnés à Koberwitz en Silésie (actuelle Pologne), marquent le début des expérimentations dans les fermes. Les préceptes de la biodynamie sont aussi à l’origine de l’agriculture biologique qui se développera à partir des années 1940.
Je retiens surtout 1928 comme date de référence, puisqu’il s’agit de la création de la coopérative Demeter.), et 1932, date de création de l’organisme de certification Demeter. Demeter est aujourd’hui implanté dans 65 pays, toute activité agricole confondue (chiffres 2022).
En 2020, Demeter fusionne avec l’association biodynamique internationale pour créer la BFDI (Fédération Biodynamique Demeter International). Cette instance regroupe les associations nationales de certification Demeter ainsi que les associations biodynamiques nationales, dont la mission est de promouvoir la biodynamie à travers le monde.
En 2020, on comptait près de 252 000 hectares certifiés en agriculture biodynamique, et 255 051 certifiés Demeter en 2022. La tendance serait donc à la hausse. Côté vin, plus de 1200 domaines viticoles sont certifiés Demeter dans 22 pays, ce qui représente environ 22 000 hectares.
Mais comme dans le cas de la viticulture bio, impossible d’avoir une vue d’ensemble précise. Beaucoup de domaines pratiquent la biodynamie sans nécessairement être certifiés, car la certification est une charge pour l’exploitant, en termes de coût et de gouvernance.
Deux labels privés sont aujourd’hui garants de la qualité de production : Demeter et Biodyvin.
La certification Demeter s’adresse à toutes les productions agricoles (alimentaire, cosmétiques, spiritueux, textiles…), dont le vin. La démarche inclut aussi le packaging, la traçabilité ou encore la responsabilité sociale et sociétale… Plusieurs organismes indépendants, dont Ecocert, sont mandatés pour effectuer un contrôle annuel du respect du cahier des charges.
Il existe 2 certifications Demeter :
La certification Biodyvin est née en 1995 sous l’impulsion du Syndicat International des Vignerons en Culture Biodynamique (SIVCBD). Elle concerne uniquement la production de vin, principalement des domaines viticoles français, mais aussi des exploitations en :
C’est également l’organisme Ecocert qui est chargé de réaliser les contrôles annuels.
D’autres mouvements émergent au sein de ce monde de la biodynamie, comme « la Renaissance des Appellations », un groupement de près de 250 domaines dans 17 pays. Il s’agit de vignobles à la fois en biodynamie et sous appellations, qui militent pour un retour à une viticulture plus responsable, moins dépendante de l’agro-industrie.
Ni l’UE, ni aucun état ne reconnaît officiellement le statut spécifique d’un vin élaboré en biodynamie. Toutefois, les consommateurs peuvent se rassurer en sachant que tout vin certifié Demeter ou Biodyvin provient d’un vignoble certifié bio, au sens du règlement européen CE 203/2012.
Pour obtenir la certification Demeter, il est nécessaire de suivre une formation et de respecter un cahier des charges contraignant. La conversion doit être complétée dans un délai de 5 ans maximum.
Dans cet intervalle, les producteurs peuvent toujours mentionner sur leurs bouteilles les autres labels bio qu’ils ont obtenus : AB, Label Bio Européen, Nature & Progrès, Bio Cohérence. S’ils remplissent les conditions, ils peuvent aussi indiquer le logo « En conversion vers Demeter » ou la mention « vin en conversion vers Demeter ».
Pour la certification Biodyvin, la conversion d’un domaine dure 4 ans. Tout commence par une visite du comité de direction qui vient évaluer et conseiller les candidats. Ceux-ci doivent présenter une sélection de vins bio issus au minimum de la 2e année de conversion AB (donc au moins 5 ans après le début de transition vers le bio). Un domaine certifié Demeter depuis 4 ans pourra également obtenir le label Biodyvin sans période de conversion.
Il est important de distinguer le vin biodynamique des autres vins dits « verts ». Le vin biologique est encadré par un règlement européen strict. Le vin nature ou naturel, sans label ni certification, promeut une vinification minimaliste et des niveaux de soufre très bas.
L’agriculture biodynamique se distingue du bio par le fait qu’elle va plus loin dans les restrictions :
Là où le bio s’arrête souvent à trouver des pratiques plus durables que le conventionnel, la biodynamie intègre également la notion de redonner vie aux sols en rétablissant les équilibres microbiens.
Toute l’activité du vignoble en biodynamie repose sur une référence : le calendrier biodynamique ou lunaire (cliquez-ici pour la version Demeter 2023). Celui-ci recoupe plusieurs informations indispensables pour travailler en respectant le cycle naturel des plantes. Il n’est pas spécifique à la viticulture et vaut aussi pour un jardin personnel. Les vigneron·nes l’utilisent comme guide, tout en s’adaptant aux circonstances. Il comprend :
Au niveau du travail dans les parcelles, l’objectif est d’aller dans le sens de la nature. Exit les intrants chimiques de synthèse et les pratiques qui nuiraient aux sols et aux vignes. On cherche à :
Les biodynamistes utilisent un dynamiseur mécanique pour mélanger l’eau et les préparations qui seront ensuite appliquées sur la vigne et les sols. La qualité de l’eau (dureté, pH, minéraux…) est également importante et analysée avant chaque utilisation.
Il ne faut pas oublier l’importance de la qualité du terroir, ainsi que du climat, dont la variabilité peut totalement modifier les résultats d’une année sur l’autre. Biodyvin propose par exemple à ses adhérents de suivre le plan de travail biodynamique minimum, à savoir les objectifs à poursuivre pour réduire au maximum l’empreinte environnementale, mais qui laisse de la souplesse en cas de difficultés climatiques.
Enterrée pendant 6 mois en saison hivernale dans des cornes, la bouse de vache devient un compost riche. Elle est ensuite appliquée sur les sols en vue de favoriser les défenses des ceps. Il serait plus juste de dire que ce fumier attire les microorganismes qui participent à leur tour à améliorer la structure du sol, créer un humus de haute qualité et donc permettre aux vignes de mieux se développer.
Moulu en poudre très fine (5 à 6 microns) et aussi enterré 6 mois (en été) dans des cornes, le cristal de quartz serait en partie dégradé par des micro-organismes qui le transforment en silice. Il est appliqué durant la phase végétative, avant récolte. Sous cette forme assimilable par la plante, il permet d’optimiser la croissance (meilleur feuillage = plus de photosynthèse) et de renforcer la résistance aux pathogènes.
Plusieurs autres préparations rentrent dans les programmes biodynamiques :
Les certifiés Biodyvin s’autorisent également à utiliser du soufre et des insecticides naturels (bacillus thurengensis et pyrèthre naturel).
Je vous rappelle l’objectif à suivre dans la mesure du possible : aucun ajout, aucun retrait, aucune modification.Cela veut dire :
Chez Demeter, la teneur maximale en sulfites (soufre) est réduite par rapport au bio :
Les doses de sulfites autorisées chez Biodyvin sont légèrement plus élevées, avec des pratiques moins drastiques en cave.
« Acheter un vin en biodynamie est d’abord un acte militant. »
Comme dans le cas du vin bio, il s’agit là d’une question de goût personnel, car nos aprioris sur les vins trompent nos sens. Si on lit les convaincus, alors les vins biodynamiques sont « bien plus concentrés, plus précis, plusqualitatifs et plus terroir » que tous les autres. Si on lit les critiques, cela sent le foin, la bouse et l’oxydation.
Les cuvées en biodynamie que je propose sont évidemment magnifiques selon mon point de vue. Mais je ne perds pas de vue que, comme pour tout vin, l’effet millésime joue pour beaucoup dans la qualité. Il est possible qu’un vin biodynamique :
Ce que j’apprécie dans le mouvement biodynamique, c’est avant tout la recherche de pratiques agricoles véritablement durables pour protéger notre planète. On peut reprocher aux biodynamistes leurs croyances et leurs raccourcis scientifiques, il n’empêche qu’ils participent indéniablement au changement et il faut les encourager pour qu’ils fassent des émules.
Les vins biodynamiques ne sont pas réservés à une clientèle de niche en quête de réponses sur la vérité vraie… Il existe des bouteilles à des prix tout à fait en lien avec ce qui se fait en bio. De part leur modèle de sélection en grand volume, les super et hypermarchés ne sont pas le meilleur endroit pour acheter des vins issus de la biodynamie. Vous manquerez de conseils personnalisés nécessaires pour être sûr·e de faire le bon choix.
Dans ma cave en ligne, vous trouverez plusieurs références avec fiche technique complète. Mes prix commencent autour de 12 € et montent au-delà de 50 € (vraiment haut de gamme). Il vous suffit de taper « biodynam » dans la barre de recherche pour les trouver. Et puis je me tiens à votre disposition si vous avez des questions !
Je vous recommande sinon de vous rendre chez un caviste spécialisé, dans une foire aux vins à la rencontre des vigneron·nes certifiés ou bien sûr directement au domaine.
Et vous, y a-t-il un vin rouge / blanc / rosé ou des producteurs en biodynamie qui vous ont particulièrement marqué ? Dites-moi tout en commentaire !