Publié le :
29/07/2024 19:39:53
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Vous souhaitez connaître tout ce qu’il y a à savoir concernant le vin de glace blanc, rouge ou pétillant ? Je vous propose une plongée dans l’univers de ce rare et formidable produit, que l’on appelle également icewine en Amérique du Nord, Eiswein en Allemagne et en Autriche, Äiswäin au Luxembourg ou encore Bīngjiǔ en Chine. Origines, mode de fabrication, pays de production, meilleurs producteurs… Découvrez mon guide complet sur les vins de glace.
Comme pour tout ce qui concerne la longue histoire du vin, difficile de déterminer avec certitude le lieu exact de l’apparition du vin de glace, tout simplement du fait du manque de sources fiables.
Il existe bien quelques écrits antiques qui évoquent la production de vins à partir de raisins congelés. Le poète romain Martial (40-102 ap. J.C.) parle de vignerons ayant vendangé des raisins gelés en novembre. Pline l’Ancien (23-79 ap. J.C.) évoque des cépages qui ne peuvent être vendangés qu’en cas de gelée. Il pourrait donc bien s’agir d’une pratique ancienne, même si on en perd la trace pour plusieurs siècles.
Il semble qu’il faille attendre la fin du 18e siècle pour voir réapparaître les vins de glace, de manière fortuite. Là encore, on manque de sources et on ne sait pas dire si c’était plutôt en Allemagne, en Autriche, en France ou ailleurs. Un gel précoce aurait surpris les vignerons qui se sont retrouvés obligés de vinifier des raisins congelés, avec, on peut l’imaginer, un résultat surprenant et délicieux. C’est ce qui ce serait en tout cas passé en Franconie (nord-ouest de la Bavière) en 1794. D’autres sources parlent de Piesport, à 30 km au nord-est de Trêves, le long de la Moselle allemande.
La première production de vin de glace officiellement documentée remonte au 11 février 1830. Tout se passe à Dromersheim, à 25 km à l’ouest de Mayence en Allemagne, dans la vallée du Rhin.
Le millésime 1829 n’est pas exceptionnel et de nombreuses grappes sont laissées sur pied pour mûrir, voire pour nourrir les animaux. Or, cette fin d’année connaît un climat très froid et les raisins gèlent. Certains vignerons se rendent compte que les baies restantes sont particulièrement sucrées : ils décident de les presser. On trouve aujourd’hui un monument à l’entrée du village viticole qui en fait mention. Dromersheim s’autoproclame d’ailleurs lieu de naissance de l’Eiswein.
Mais nous l’avons vu, les contemporains des Romains avaient déjà connaissance de ce type de vinification.
Le marché du vin de glace ne devient pas pour autant immédiatement celui que nous connaissons aujourd’hui. Déjà parce que seuls 6 millésimes au 19e siècle semblent avoir permis de produire ce type de vin : 1829, 1846, 1858, 1875, 1880 et 1890.
Il faut attendre le 20e siècle pour voir la production se développer, se structurer avec des techniques plus avancées, sous l’impulsion de célèbres domaines viticoles comme le château Johannisberg (situé face à Dromersheim, sur la rive nord du Rhin cette fois), avant de s’exporter à des pays comme le Canada. Le terme Icewine est d’ailleurs exclusif au Canada, du moins pour la vente dans l’UE depuis 2001.
L’univers du vin de glace en volume est un marché certes de niche, mais extrêmement profitable. Les prévisions économiques sont au beau fixe pour ce type de vin. Le marché pourrait atteindre près de 7,1 milliards de dollars en 2027. Et il faut observer avec attention le développement de la Chine sur ce marché : le pays est déjà responsable de près de 40 % de la production mondiale ! Actuellement, les principaux marchés de vente sont :
Si le vin de glace blanc reste majoritaire, on note une jolie percée du vin de glace rouge, dont les caractéristiques (couleur, arômes plus épicés ou fraise…) lui permettent de gagner en popularité. Les arguments de santé qui accompagnent parfois l’intérêt du vin rouge sont toutefois à prendre avec de très grosses pincettes.
Je vous remets ici en lien mes articles sur les effets de l’alcool sur la santé :
Voici le top 5 des principaux pays producteurs de vin de glace :
Toutefois, on trouve des productions, souvent confidentielles, parfois exceptionnelles, dans de nombreuses parties du monde, comme par exemple :
Le Canada est le principal pays producteur au monde avec en moyenne 8500 hL/an. Il faut imaginer son importance économique pour le pays : seulement 0,3% de la vente de vin nationale à l’export, mais 25% en valeur !
Le 1er Icewine canadien fut produit en 1973 par Walter Hainle, un vigneron d’origine allemande immigré en Colombie Britannique. Depuis lors, le Canada est passé principal pays producteur de vin de glace dans le monde. Il a fallu toutefois attendre 2001 pour que les icewines soient autorisés à la vente en Europe.
L’Ontario, puis le Québec (1994 : domaine du Marathonien) ont par la suite développé leurs vignobles dédiés. À la différence de l’Europe, les conditions climatiques canadiennes permettent de produire de l’icewine quasiment chaque année de manière « naturelle », sinon en congelant les raisins. Du côté de l’Ontario, on trouve même 3 appellations VQA (Vintners Quality Alliance), à savoir :
Les vins de glace canadiens, principalement issus du cépage Vidal (croisement d’Ugni Blanc et de Rayon d’Or), sont connus pour leurs arômes particulièrement concentrés (miel, citron, fruits tropicaux, cannelle…). Il en va de même avec le cidre de glace, un autre produit typique du pays du sirop d’érable. On trouve aussi du Riesling et du Cabernet Franc. Les régions les plus réputées sont l’Okanagan Valley et la Ken Root Valley en Colombie Britannique, ainsi que les Niagara Falls dans l’Ontario.
En seulement 20 ans, la Chine est devenue le 2e producteur mondial de vin de glace, appelé localement le Bīngjiǔ (bing-djyou). C’est dans la région de Liaoning (la Golden Ice Wine Valley de Changyu), au nord-est de Beijing, que le vin de glace connaît un essor intéressant. Il est produit à partir de Vidal Blanc ou de Beibinghong. Les conditions climatiques de la région sont parfaites pour son élaboration.
On en trouve aussi du côté :
Dans le Gansu, les températures sont tellement extrêmes (jusqu’à -25°C) qu’il faut planter les vignes dans des tranchées sous le niveau du sol, ceci afin d’éviter la mort des ceps à cause du gel. Au total, la Chine produit pas loin de 800 000 litres de vins de glace (7 700 hL, 40 % de la production mondiale), et la qualité est au rendez-vous.
En Allemagne, ce sont la vallée de la Moselle, le Pfalz, le Rheinhessen et la vallée du Rhin (Rheingau) qui produisent le plus gros volume d’Eiswein. On en trouve aussi encore en Franconie, au nord-ouest de la Bavière. Il est commercialisé dans la catégorie des vins de qualité Prädikat.
Il s’agit le plus souvent de vins issus de Riesling, de Grüner Veltliner, de Gewurztraminer et de Sylvaner. Ils offrent une grande fraîcheur, avec des notes de miel, de fruits exotiques, de poire, de pêche, d’abricot sec, de caramel et de cannelle.
La production d’icewine américain se concentre principalement dans les vignobles du nord du pays, notamment dansl'État de New York (Finger Lakes) et le Michigan (depuis 1983), avec des conditions climatiques très similaires à celles des provinces canadiennes voisines.
Les meilleurs vins de glace autrichiens sont produits en catégorie Prädikat dans la région du Burgenland, près du lac de Neusiedlersee. Cette région viticole s’étend tout au long de la frontière Est du pays, avec la République Tchèque, la Hongrie et la Slovénie. Quelques rares cuvées sont aussi élaborées en Niederösterreich (Wagram, Wachau), en Styrie et autour de Vienne.
Les Eiswein autrichiens, aussi produits à partir de Riesling, de Grüner Veltliner, de Sylvaner et de Gewurztraminer,développent souvent des saveurs de fruits exotiques et de poivre. Et leur prix peut littéralement s’envoler aux enchères !Les vins d'Egon Muller en sont un bon exemple. On en trouve aussi chez Gebrüder Nittnaus. On trouve aussi de jolis Eiswein rouges.
C’est dans les hauts vignobles du canton du Valais, notamment sur les coteaux de Sierre, que l’on trouve la plupart des vins de glace suisses. On y parle de Vin du Glacier ou « Gletscherwein ». Les cépages utilisés sont pour l’essentiel le très ancien Rèze, la Malvoisie, le Fendant, le Eiholzer Roter et l’Ermitage. Le Vin du Glacier est un assemblage de millésimes élevés en fût de mélèze. Avec l’évaporation, ceux-ci sont complétés en cours d’année.
Le duché possède aussi une petite production hautement qualitative d’Äiswäin en Moselle, du côté des domaines Alice-Hartmann (Wormeldange), Schumacher-Lethal (Wormeldange) et Madame Aly Duhr (Ahn). Les cépages utilisés sont généralement le Pinot Blanc, le Pinot Gris et le Riesling. Du côté des arômes, on perçoit généralement des notes de fleurs séchées, d’ananas et de citron.
En France, la production de vin de glace se concentre principalement en Alsace, et on en trouve parfois en Savoie. Elle n’est possible qu’une à deux fois tous les 10 ans. Il s’agit pour l’essentiel de micro-cuvées produites à partir des cépages Gewurztraminer, Sylvaner, Riesling et Pinot gris. Toutefois, il n’existe pas en France d’appellation propre au vin de glace. Les vins sont généralement vendus en cuvées spéciales.
Il est à noter l’existence de vins de glace produits par cryoextraction artificielle, vendus sous d’autres appellations, dans la vallée de la Loire et dans le Bordelais.
À de très rares occasions, certains vignerons espagnols arrivent à produire naturellement un vin de glace. Ce fut par exemple le cas en 2014 au domaine Altolandon, à partir de Petit Manseng. Mais c’est exceptionnel : les températures étaient tombées à -8,5°C à 1100 mètres d’altitude. Le plus souvent, ces vins sont faits par cryoextraction artificielle.
Le vin de glace peut être produit de deux façons : de manière naturelle ou par congélation artificielle. Ne vous en offusquez pas, car les deux styles racontent finalement deux histoires différentes, et chacun peut y trouver sa préférence.
J’aimerais toutefois débuter avec un rappel de la définition du vin de glace selon l’OIV :
« Vin issu exclusivement de la fermentation de raisins frais ayant fait l'objet d'une cryosélection dans le vignoble sans recours à des procédés physiques. Les raisins utilisés pour la production de vin de glace doivent être congelés lors de la récolte et être pressés dans cet état. »
Comme vous le voyez, les procédés artificiels ne peuvent donner lieu à des appellations. Mais rien n’empêche d’en produire. C’est seulement une barrière à l’export.
Hormis au Canada, la vendange de raisins glacés reste un phénomène rare, ce qui rend les cuvées assez exceptionnelles. Les rendements sont infimes : à peine quelques centaines de litres à l’hectare dans le meilleur des cas (entre 300 et 500), comparés aux 5 000 à 6 000 litres/ha pour un vin classique, parfois 10 000 ! Comme pour la production de vins liquoreux, il faut des conditions climatiques optimales, à savoir :
Outre les conditions nécessaires, le premier défi est d’arriver à conserver de la vendange intacte. Les vignerons peuvent mettre en place des filets de protection de chaque côté des rangs de vignerons pour protéger les grappes des animaux.
L’autre défi est de récolter les raisins tant qu’ils sont encore glacés sur les ceps. Les raisins doivent déjà être mûrs avant le gel, et sains, sans botrytis. Les vendanges ont donc généralement lieu la nuit ou tôt le matin, à la lampe frontale, entre décembre et février dans l’hémisphère nord. L’eau contenue dans les baies demeure ainsi sous forme de cristaux ou paillettes de glace.
Il faut ensuite transporter la vendange à la cave et presser directement sans égrappage, le tout en conservant les raisins à une température constante. L’eau congelée restant dans le raisin, le jus extrait est alors un véritable nectar principalement gorgé de sucre et d’acidité.
La suite de la vinification peut avoir lieu en cuve inox ou en fût de chêne, selon le choix du ou de la vigneron·ne. Celle-ci dure entre quelques mois 3 et 6 mois. La fermentation est assez complexe du fait de la haute concentration en sucre qui bloque le travail des levures. Cela explique la faible concentration alcoolique du vin de glace : entre 5,5 et 10% vol., un argument commercial intéressant.
L’élevage sur lies est une autre donnée importante. Mais pas nécessairement en fûts de chêne. Et pour les vins de glace, l’usage de levures autre que de type Saccharomyces est un nouveau levier étudié pour éviter le développement d’acide acétique et d’éthyl acétate.
La seconde méthode est la cryoextraction artificielle. Pour cela, on récolte des raisins très mûrs que l’on stocke ensuite en chambre froide à température contrôlée, afin d’atteindre le point de congélation souhaité. La suite de la vinification est identique à celle de la méthode naturelle.
Je le disais, l’histoire derrière la production de la bouteille n’est pas la même : le domaine ne peut pas vendre une superbe histoire avec l’attente fiévreuse de la baisse des températures et le top départ des vendanges dans la nuit, alors qu’il fait encore froid…
Mais cette méthode a le mérite d’assurer une production. Elle permet aussi de mieux contrôler le processus de vinification. Ce qui rend finalement le vin de glace plus accessible, avec des prix moins élevés. On pourra probablement noter une différence de goût, car les raisins sont récoltés mûrs, et non pas totalement surmûris puis gelés.
On peut donc trouver ces vins de glace du côté de :
Bien sûr, et même dans de nombreux pays ! La production d’un vin de glace rouge obéit aux mêmes règles que celles du vin de glace blanc. Du côté des saveurs, on penche davantage vers la fraise, les épices et les herbes aromatiques.
Et oui, la maison canadienne Inniskillin produit même du vin de glace blanc pétillant et du vin de glace rouge pétillant, et ce, depuis 1998 ! Le domaine utilise la méthode Charmat (cuves inox sous pression) pour les élaborer. Il s’agit le plus souvent de vins aux parfums de nectarine, de citron, d’abricot et de miel.
Je ne manquerai pas de vous faire un retour si j’ai un jour l’occasion d’en vendre.
Les caractéristiques peuvent évidemment varier d’un pays à l’autre, mais globalement, pour les vins de glace produits sur pied :
Pour répondre aux exigences nécessaires à l’élaboration de tels vins, il faut des cépages aptes à :
Toutefois, la liste de cépages reste assez variée.
H4- Cépages pour la production de vin de glace blanc
H4- Cépages pour la production de vin de glace rouge
Les vins de glace sont particulièrement rares. Et la prise de risque pour les créer, en tout cas pour les cuvées produites naturellement sur pieds, est maximale. Impossible d’en obtenir chaque année (hors Canada, USA et Chine). Et nous l’avons vu, les conditions exceptionnelles à réunir sont imprévisibles. Sans oublier les rendements qui sont infimes. Puis il faut réussir la vinification…
Bref, comme tout ce qui est rare et difficile à concevoir, cela donne un vin dont le prix peut varier entre 30 € et 400 € la petite bouteille de 37,5 cL. Méfiez-vous de tout prix qui est inférieur…
La formidable concentration en sucre du vin de glace est un conservateur naturel pour de nombreuses années ! Évidemment, comme les vins liquoreux, il évoluera tant au niveau de sa couleur (vers le orange) que des ses arômes (vers le caramel, perte de l’acidité). Toutefois, il faudra veiller à conserver votre bouteille dans des conditions classiques, c’est-à-dire dans un espace :
Veuillez noter que c’est un vin délicieux même jeune. Pour plus d’informations sur la conservation, je vous invite à lire mon article dédié : Mes conseils pour la conservation et le vieillissement des vins
De part son côté riche en saveurs de fruits mûrs et de miel, complété d’un taux d’acidité bien équilibré, le vin de glace se marie assez bien avec un grand nombre de mets. Voici quelques suggestions d'accords mets et vin de glace :
De manière générale, choisissez des mets qui ne sont pas trop sucrés pour éviter de rendre le vin de glace trop lourd. Mais si j’ai un bon conseil à vous donner, testez-le quand même d’abord seul, en apéritif ou en fin de repas, histoire d’explorer toutes ses facettes en profondeur !
Ou alors faites comme les Canadien·nes : testez-le en cocktail.
Le vin de glace est avant tout un vin liquoreux. La meilleure façon de le servir est à une température entre 8 et 10°C.Je vous recommande personnellement d’ouvrir la bouteille à l’avance, afin de lui laisser le temps de s’aérer, pour pouvoir profiter pleinement de ses arômes incroyables !
Profitez-en aussi pour apprécier la couleur dorée de ces vins, ainsi que les larmes laissées sur la paroi de votre verre. Cela met déjà l’eau à la bouche rien que d’y penser…
Très honnêtement, je suis loin d’avoir eu l’occasion de goûter tous les vins de glace disponibles. Et je vous avoue que c’est assez compliqué de s’en procurer pour des raisons évidentes de faibles volumes et de prix élevés. Mais je vais tout de même vous proposer une sélection des meilleures maisons que j’ai eu l’occasion de déguster, ou dont je peux trouver suffisamment de critiques élogieuses pour vous garantir du niveau de qualité :
Mais finalement, qu’il s’agisse d’un Eiswein allemand ou autrichien, d’un icewine canadien du Québec ou de l’Ontario, ou d’un vin de glace d’ailleurs dans le monde, vous pouvez être certain·e qu’il s’agira d’un superbe cadeau à offrir à un amateur ou une amatrice de vins liquoreux. Anniversaire, fêtes de fin d’année, cadeau de retraite ou de naissance… C’est une VALEUR SÛRE !
Vous trouverez tous mes vins de glace disponibles dans ma cave en ligne dans la catégorie Vins Sucrés. Livraison en coffret renforcé pour être sûr de ne rien casser !
Et de votre côté, quel est votre vin de glace préféré ? Donnez-moi votre avis en commentaire.