Publié le :
28/09/2022 16:37:44
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General
L’intelligence artificielle progresse également dans le domaine du vin. Plusieurs équipes de chercheurs américains se sont penchés sur l’idée de proposer des commentaires de dégustation sans même ouvrir les bouteilles. Et les résultats de l’IA sont impressionnants. Offre-t-elle une sérieuse concurrence à Robert Parker, au Guide Hachette et aux autres dégustateurs ? Peut-être pas tout de suite, mais des applications sont déjà envisageables.
Le business du vin, comme tous les secteurs proposant des produits « expérientiels », repose sur la dimension du conseil et de la confiance. Pour acheter, beaucoup de consommateurs cherchent de l’aide pour éviter de « se tromper » : avis de dégustation de sommelier, commentaires de personnes influentes, guides annuels papier ou en ligne…
Une illustration ? Beaucoup d’entre vous s’appuient sur mes fiches produits pour connaître les caractéristiques ou le goût des vins que je vends en ligne. Et c’est normal, vous souhaitez être rassurés avant l’achat d’une bouteille pour ne pas être déçu·e !
Si des chercheurs et des entreprises développent des IA dans le domaine du vin, c’est parce que la production des commentaires par des humains :
Or, un peu à l’image du test de Turing pour évaluer si l’humain perçoit une différence entre une machine et un humain, ils souhaitent trouver une solution viable commercialement qui ne fera pas fuir les consommateurs et les dégustateurs.
Des équipes de scientifiques du National Institute of Standards and Technology (NIST) et de l'Université du Maryland ont présenté en février 2022 dans l’International Journal of Research in Marketing un algorithme capable de proposer des commentaires d’une grande précision.
En nourrissant cet algorithme de près de 10 ans de critiques de vin du magazine Wine Enthusiast (soit 125000 références) et de 143000 critiques de bière du site RateBeer, les chercheurs ont pu lui faire enregistrer tout un tas de données : termes de dégustation, relations entre terroir, millésime, cépages et arômes, champ sémantique et vocabulaire de description…
(Pour les curieux et les curieuses : l’étude mentionnée est intitulée : « Complementing human effort in online reviews: A deep learning approach to automatic content generation and review synthesis ». Source en anglais mais payante)
Le terme d’intelligence artificielle est toujours un peu exagéré. Il n’y a pas de réelle intelligence au sens de réflexion. Ce sont seulement des calculs mathématiques, des valeurs, des critères, des vecteurs, des probabilités… Néanmoins, ce type de technologie s’appuie sur la création d’un réseau neuronal qui est censé imiter les processus du cerveau humain lors des dégustations de vin.
Autrement dit, quand vous dégustez votre vin, les synapses de vos neurones évaluent l’importance de différents critères (amertume, acidité, fruité, rondeur, velouté…) puis transmettent l’information aux neurones suivants. Votre cerveau enregistre ensuite ces données et les classe dans votre mémoire.
Le fonctionnement de l’IA pour le vin s’appuie sur le même schéma que notre cerveau. Lorsqu’elle rencontre telles probabilités et tels critères, elle est capable de donner un résultat. Plus l’intelligence artificielle est « nourrie » de données diverses et riches, plus les résultats de commentaires s’affinent.
Pour cette expérience, après avoir nourri l’algorithme de 10 ans de données, les scientifiques lui ont présenté 148 vins virtuels issus de 3 cépages à analyser, plus 30 vins jamais examinés auparavant par la machine. Chaque cuvée avait 13 caractéristiques à prendre en compte (teneur en alcool, couleur, alcalinité…), avec chacun une valeur attribuée entre 0 et 1 afin d’aider l’intelligence artificielle à différencier les vins.
Le résultat est sans appel : un taux de reconnaissance des vins de 95,3% et seulement 2 erreurs sur les 30 vins inconnus. Et en ce qui concerne les commentaires, le résultat était là aussi très impressionnant : personne n’était capable de distinguer entre un commentaire humain et celui d’une machine.
Théoriquement, l’IA pourrait être appliquée à n’importe quel champ de recherche et d’analyse. S’appuyer sur le vin permettait d’avoir accès à un ensemble de données existantes dans un champ précis à savoir les guides de dégustation existants. Les descriptions contiennent beaucoup de vocabulaire spécifique et des termes assez récurrents que tout le monde utilise (boisé, floral, sec…).
À ce jour, l’IA n’est donc pas encore un système en mesure de prédire des profils aromatiques en devenir ou de donner des conseils de conservation après ouverture (quoi que…). Les vignerons, les œnologues et les sommeliers ont encore l’avantage des papilles pour déterminer le potentiel de garde.
Mais jusqu’à quand ?
Je reviens sur une expérience menée au Concours Mondial de Bruxelles en 2022, à savoir l’utilisation d’une intelligence artificielle pour synthétiser les commentaires de dégustateurs sur les vins présentés. L’objectif était d’obtenir un commentaire unique et original pour chaque vin qui faisait la moyenne de tous les commentaires de dégustation. L’idée était d’offrir un feedback neutre et honnête pour les viticulteurs concernant leurs cuvées.
À l’image de l’IA au service des viticulteurs dans les vignes et très prochainement en cave, la technologie évolue très vite. L’intelligence artificielle peut faire peur car cette technologie, qui ne repose finalement que sur des calculs mathématiques et qui n’est aucunement capable de réflexion, n’est pas simple à appréhender.
Le problème majeur aujourd’hui n’est plus vraiment la qualité des commentaires mais davantage la consommation d’énergie que demande le fonctionnement de cette IA, près de 1000 fois supérieure à celle de notre cerveau. Des équipes de chercheurs sont déjà sur le chantier. Pour ma part, je ne manquerai pas de vous faire découvrir les nouvelles technologies et les avancées dans le domaine de la wine tech et du digital.
Et pour conclure, rassurons-nous, pour ce qui est du plaisir de la dégustation, cela restera toujours le domaine privilégié des humains !