Publié le :
27/07/2022 21:17:50
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General
J’évoque rarement l’aspect viticulture, mais nous assistons aujourd’hui à de profondes évolutions dans la vigne, et j’aimerais vous en parler. Vous demandez-vous parfois à quoi ressemblera la viticulture du futur ? Celle qui va devoir affronter le changement climatique, les pathogènes résistants, les contraintes réglementaires en matière d’environnement et de produit phyto…?
Les viticulteurs font déjà preuve d’innovation et trouvent des solutions : matériels viticoles de haute technologie, pratiques culturales alternatives sur leur domaine, digitalisation du vignoble… Je vous propose un petit aperçu de ce qui existe déjà dans les vignes et de ce qui va prochainement apparaître.
Sans que l’on ne s’en aperçoive vraiment à notre échelle de consommateurs, les changements au niveau climatique commencent déjà à impacter fortement les vignobles et les récoltes. Entre le gel, la grêle, la sécheresse ou même les inondations, la réalité est assez simple et cruelle : s’adapter pour les années à venir ou disparaître.
Côté recherche et innovation dans les vignes, on observe un passage de la chimie vers la microbiologie. Avec le soutien de l’IFV (Institut français du vin) et de l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement), les chercheurs français s’orientent vers la création de nouveaux cépages et de porte-greffes mieux adaptés au terroir, au climat et aux maladies cryptogamiques. Certaines variétés bourgeonneront tardivement afin d’éviter le gel, d’autres cépages seront plus résistants à la chaleur, etc. Je parle de la France parce que la documentation est riche, mais il en va de même dans les autres vignobles du monde.
Plus difficile en revanche de lutter contre les bio-agresseurs et les maladies de la vigne. La nature est ainsi faite que lorsque on tente de la contrecarrer, les mécanismes de résistances des pathogènes font que ces derniers finissent par s’adapter, voire par sélectionner uniquement les individus ultra résistants. Un comble.
Mais ce sont peut-être l’acceptation de vivre avec cet équilibre subtil et le changement des pratiques viticoles dans les vignobles qui constitueront finalement une innovation.
Côté réglementation en Europe, l’enjeu actuel est le respect des divers plans nationaux répondant au cadre de la directive européenne 2009/128/CE concernant l’usage des solutions phytosanitaires. En France par exemple, le plan Écophyto 2+ prévoit une réduction de 50 % des produits phytopharmaceutiques d’ici 2025. Autant vous dire que le projet est ambitieux. Vous comprenez maintenant tout l’enjeu pour la filière viticole et les vignerons d’avoir des cépages plus résistants aux maladies.
On assiste notamment au développement des biostimulants sur le marché de l’agriculture. Il s’agit de solutions visant à aider les ceps de vigne à mieux capter les nutriments dans le sol, à mieux tolérer les stress abiotiques (les aléas climatiques) et à garantir de bonnes caractéristiques gustatives aux vins.
Parlons aussi des techniques de biocontrôle destinées à gérer les équilibres des populations de bio-agresseurs plutôt qu’à les éliminer (ou qu’à créer des résistances). Il peut s’agir de macro-organismes protecteurs (acariens, insectes, nématodes) ou de produits constitués de micro-organismes, de médiateurs chimiques (phéromones) ou de substances naturelles (végétaux, animaux, minéraux).
Et que dire de la viticulture bio dans laquelle l’utilisation du cuivre et du soufre va devoir être revue à la baisse pour respecter les directives de la Commission européenne ? Est-ce que la recherche et l’innovation suffiront à protéger l’environnement ? Ou faudra-t-il adapter les pratiques culturales, passer à la biodynamie, revoir la manière de planter ou de tailler les vignes… ? L’avenir est là, les solutions sont à trouver et les choix sont à faire.
Si vous n’avez pas l’occasion de visiter régulièrement des vignobles, alors sachez que, si le temps des récoltes et des travaux manuels n’est pas encore révolu, la mécanisation est déjà bien avancée. On parle désormais de viticulture de précision, concept qui nous vient d’Australie. Je tiens à rappeler combien ce pays du Nouveau Monde est un précurseur dans bien des domaines qui concernent le vin.
Il existe déjà des tracteurs vignes dotés de GPS : le conducteur peut se concentrer sur les outils pendant que le tracteur avance droit dans les vignes. On trouve aussi des machines à vendanger toujours plus sophistiquées, offrant un résultat équivalent, si ce n’est parfois meilleur que les vendanges manuelles (pas de feuilles, pas de perte de raisins au sol, égrappage directement sur pied).
La prochaine étape est l’utilisation des données récoltées par drone multispectral de télédétection par infra-rouge, ou par robot qui déambule entre les rangs de vignes. Grâce à l’analyse de ces données (température, niveau d’azote, humidité, biomasse...), le vigneron est en mesure d’adapter ses traitements et ses amendements de façon ultra précise. Il économise au passage son temps, du carburant et la quantité d’eau nécessaire. Les matériels de pulvérisation ultra localisée en cours de développement pour les vignes vont lui permettre de réduire grandement ses coûts, et d’utiliser moins de produits phytosanitaires.
Et que dire de toutes ces autres solutions en cours d’expérimentation :
Fascinant ? Oui. Mais le déploiement de toutes ces technologies qui existent déjà rencontre la réalité : l’impossibilité pour de nombreux vignerons d’investir dans tous ces bijoux de technologie. Mais aussi les mentalités qui évoluent très doucement chez les vignerons français. Alors que de nombreux viticulteurs du Nouveau Monde ont déjà osé franchir le pas de l’innovation.
En cave aussi, les innovations sont là. Un travail très intéressant est mené autour de la réduction de l’utilisation du dioxyde de soufre (sulfites), notamment en récoltant les cépages au moment optimal, ou en sélectionnant de nouvelles levures pour la fermentation. Pour rappel, les sulfites ne sont pas à l’origine de vos maux de tête.
Je pense aussi aux travaux de start-ups au sujet de la traçabilité des bouteilles de vin. Elles s’appuient sur l’usage de la blockchain pour fournir des données sécurisées aux différents intermédiaires, de la production à la dégustation de la bouteille.
Mais cet article est déjà bien fourni. Je vous réserve donc cela très prochainement dans de nouvelles parutions plus détaillées sur le sujet de l’innovation en cave et au niveau commercial. Je vous parlerai de solutions comme :
Je souhaitais finir sur une ouverture un peu philosophique. Force est de constater que dans certaines régions comme Bordeaux mais aussi partout ailleurs dans le monde viticole, il devient parfois difficile de produire des vins à moins de 14°C, là où auparavant, il fallait parfois chaptaliser pour atteindre un degré suffisant.
Alors sans parler de boire prochainement du vin bleu, oui, nous boirons toujours du vin, et toujours de qualité. Mais comme nos vins actuels sont différents de ceux de l’Antiquité, du Moyen-Âge ou du début du 20e siècle, les futurs vins viendront peut-être d’ailleurs (Suède, Népal…) avec des goûts et des arômes différents, obtenus avec des techniques que nous ne connaissons peut-être pas encore. Et j’espère être toujours là pour vous en parler !