On m'a dit que le vin rosé n'était pas du vin : info ou intox ?

Sommaire

• Les petites phrases qui en disent long sur l'image du vin rosé
• Existe-il une définition officielle du vin rosé ?
• Histoire du vin rosé : un simple effet de mode ?
• Élaboration du vin rosé : moins technique que les vins rouges et les vins blancs ?
• Comment bien choisir un bon vin rosé dans ce cas ?

Les petites phrases qui en disent long sur l'image du vin rosé

« Le vin rosé n'est pas un grand vin et coûte donc moins cher »

« Le vin rosé est un mélange de vin blanc et de vin rouge »

« Il n'existe pas de grand vin rosé, juste de la piquette »

« Le vin rosé ne se conserve pas longtemps »

« Le bon rosé vient forcément de Provence »

« Plus le rosé est clair, plus le goût est bon »

« Tous les vins rosés se ressemblent »

« Le rosé est un vin de femme »

Etc.

Eh oui, les croyances sur le vin rosé sont tenaces. Vous les avez sûrement déjà entendues, voire partagées. Mais cette image est aussi véhiculée par le milieu viticole lui-même. Beaucoup de viticulteurs font du rosé quand il est impossible de faire du vin rouge de qualité :

• conditions climatiques difficiles
• raisins altérés (maladies)
• maturité insuffisante

Dans certaines régions viticoles (dont la Champagne), le mélange rouge blanc existe bel et bien (précisons : pour des cuvées très bas de gamme). Les producteurs sont aussi à l'origine de la multitude de bouteilles ou de bag-in-box de rosé tous plus colorés les uns que les autres en grandes surfaces. Le consommateur, sans autre repère, ne sait pas choisir. Le vin rosé n'est plus qu'un « produit » seulement différenciable par son prix et sa couleur.

Alors le rosé n'est-il vraiment qu'un sous-vin ?

Existe-il une définition officielle du vin rosé ?

Malgré des années de débats, il n'en existe pas, et ce, pour 2 raisons :

• la subjectivité : certains voient du rose là où d'autres voient déjà du rouge
• la nature du vin : certains, malgré une robe plus intense que certains rouges à l'œil et au spectrophotomètre, ont bien les caractéristiques organoleptiques du rosé

Disons plutôt qu'il existe un grand panel de vins rosés, avec des nuances diverses, secs ou sucrés, mais qui ont un caractère propre. Allons voir du côté de l'histoire.

Histoire du vin rosé : un simple effet de mode ?

S'il existe une boisson tendance qui a profité de l'essor du marketing, c'est bien le vin rosé. Le Bordelais (avec son clairet) et la Provence (avec son nuancier de couleurs) en savent quelque chose. Noms évocateurs, couleurs chatoyantes, packaging innovants : ils attirent l'œil.

Les chiffres de la consommation sont là pour en témoigner : en Belgique, c'était 21% des ventes de vin en 2019. Et ils ciblent un marché bien précis : les jeunes (millenials) et les femmes, ces dernières étant responsables de 60% des achats de vin en Belgique, ne l'oublions pas.

Mais ce succès n'est pas nouveau. Lors de mes recherches, j'ai pu lire que le premier vin du monde aurait été un vin rosé. Plus sérieusement, il s'agissait de vin rouge clair (vinum clarum), car la vinification antique ne connaissait pas la macération préfermentaire. Le raisin étant écrasé directement, la couleur contenue dans la peau du raisin noir n'avait pas le temps de bien se mélanger au jus.

Le terme rosé apparaît dans plusieurs écrits du 14e siècle puis est officiellement utilisé en France sous le règne de Louis XIV. La création des congés payés (27 juin 1936 en Belgique) et les vacances vers les plages du sud de la France se chargeront de démocratiser ces vins roses, légers et fruités du Languedoc et de Provence. Vous constatez que le petit vin rosé d'été à tout de même une belle histoire derrière lui, aussi riche que ces comparses blancs et rouges.

Toujours pas convaincu.e par la noblesse du rosé ? La réponse se trouve peut-être dans la vinification.

Élaboration du vin rosé : moins technique que les vins rouges et les vins blancs ?

Sans m'étendre sur le sujet de la vinification qui constituerait de nombreux autres articles, voici les 3 grandes méthodes de production des vins rosés :

• Macération à froid : Après récolte, les raisins macèrent quelques heures en cuve, rarement plus de 12 heures. Le caviste maintient la température entre 15 et 17°C pour ne pas qu'il y ait fermentation. On extrait ainsi les pigments (anthocyanes) contenus dans la peau du raisin pour qu'ils se mélangent au jus et le colorent. Plus la macération est longue, plus le vin devient foncé, plus la richesse aromatique est intense. Ensuite, on égoutte et on presse la quantité voulue. Le reste du jus et du moût ira pour les cuvées de vin rouge.
• Pressurage direct après vendange : Le vigneron réserve cette méthode pour les cépages avec une grande richesse anthocyanique, qui sont teinturiers (pulpe naturellement rouge) ou qui ont été récoltés mécaniquement (les raisins ont pu légèrement macérer dans la benne de vendange). Un sulfitage léger lors du remplissage du pressoir va faciliter l'extraction de la couleur. La structure tannique est alors plutôt souple.
• Saignée sur cuve de rouge : Partant de la vinification en rouge, on laisse donc macérer en cuve quelques heures. Alors que la fermentation alcoolique débute, on soutire la quantité de jus souhaitée pour effectuer une vinification en blanc. Les caractéristiques de ce rosé de saignée sont très aléatoires en fonction du cépage et des conditions de macération.

Comme pour l'élaboration des blancs et des rouges, le viticulteur a pléthore d'options en fonction de ses objectifs :

• macération dans le pressoir
• saignée sur macération à froid
• foulage et égouttage avant le pressurage
• contrôle de la température, du temps de cuvaison
• matériel à disposition (cuve inox, fibre, béton...)
• etc.

Sans oublier bien d'autres données qui vont largement influer sur la qualité des arômes, le goût, la robe et l'histoire commerciale du vin. Voici une liste non-exhaustive :

• conduite de la vigne en viticulture bio, en biodynamie ou raisonnée
• sélection du ou des cépages noirs (et parfois blancs) pour le rosé
• période de la récolte (la nuit pour la fraîcheur)
• fermentation complète ou non (vin sec ou avec sucre résiduel)
• assemblages, tests, expériences selon le millésime...

Alors, toujours un petit vin pour le marketing, notre rosé ?

Comment bien choisir un bon vin rosé dans ce cas ?

Je reste lucide : le marketing, le design et la couleur ont forcément leur importance dans votre choix, surtout chez un caviste en ligne.

Alors pour redorer l'image du vin rosé, j'ai fait un choix plus évident : le sens du goût. Je sélectionne des vignerons qui ont à cœur de faire des vins rosés de qualité. Des millésimes subtiles et élégants, avec la maturité et l'extraction nécessaires, complexes et équilibrés, qui se conservent aussi plus longtemps. Forcément, ce sont des vins rosés étrangers un peu plus chers que les autres (quoique), mais l'expérience sensorielle à la dégustation n'a plus rien en commun avec ce que vous aviez l'habitude d'acheter.

Chaque vigneron est libre de créer ses vins rosés selon sa philosophie, sa vision, ses besoins. Pour Wines of Earth, je préfère mettre en avant les vignerons qui vont plus loin que les autres, qui ont une histoire à raconter. J'essaye de compléter au maximum les fiches techniques de mes cuvées pour vous aiguiller (description dans le verre, accords mets et vins, température de service, conservation de la bouteille en cave). Et j'espère que vous viendrez rapidement découvrir mes pépites de divers pays du monde, avec des cépages étonnants, comme par exemple :

• les rosés slovènes : cépage blauer köllner
• les rosés italiens : cépages merlot, raboso...
• les rosés bulgares : cépages cabernet sauvignon, syrah...
• les crémants rosés belges : cépages pinotin, cabaret noir...
• les pétillants hongrois : cépage pinot noir

Si la définition officielle manque, le vin rosé EST bien un vin à part entière. En fonction du vigneron et de son marché commercial (vente directe, grande surface, caviste, restauration...), il sera fait par passion ou juste par opportunisme. Pour Wines of Earth, j'ai choisi la passion. Alors je vous attends pour les goûter, et sans a priori cette fois ! J'attends vos commentaires de dégustation avec impatience !